Sous le regard insistant des nuages

Tu te réveilles tôt, plus que d’habitude. Tu prends le temps de d'étirer, du mieux que tu peux, le box trop petit. Qu'importe, tu fais rouler tes puissants muscles sous ta peau brillante et sors ta tête de ton refuge, afin d'observer ce qui  se passe d'intéressant. Rien, pour ne pas changer. Tu te contentes de fixer des chevaux trop turbulents, bruyants à ton goût, de tes yeux verts,  qui stoppent tout de suite le jeu des équidés. Tu ronfles en secouant la tête,un brin amusé. Ce qu'ils peuvent être débiles, ceux-là !

     Quelques minutes plus tard, ton cavalier, le caporal, te rejoint, une selle, un filet et un tapis rembourré à la main. Lorsqu'il ouvre la porte, un courant froid s'infiltre, contrastant avec la chaleur de la litière, et de la paille, mais tu n'y prends pas attention, heureux de pouvoir sortir. Sans même un mot doux, il se met à te brosser intensivement, tentant de déloger toutes les poussières qui peuvent s'être incrustées dans ton poil cuivré. Le bipède essaye, en vain, d'ordonner ton toupet capricieux, puis abandonne, et, d'un bond souple, bondit sur toi, tel une plume.

     Vous prenez la direction de la porte du fort, au petit trot, le port de tête altier, faisant honneur, chacun au grade que vous occupez. Tous, hommes et animaux confondus, baissent la tête à votre passage, et vous suivent des yeux jusqu'à ce que vous franchissiez celle-ci. Ton souffle forme une petite vapeur, les températures ayant encore chuté cette nuit. Tu n'essaies même pas d'arracher les rênes de ton propriétaire, sachant que jamais il ne les lâchera, et parce que tu sais très bien qu'il te fera galoper dans quelques minutes.

     Ce moment arriva rapidement, et dès qu'il exerça une pression sur ton flanc, tu pris le galop, esquissant, peut-être, un sourire. Un sourire, ou bien ta bouche prit une forme un peu déformée, je ne sais pas... Presque volant, tu parcourus quelques kilomètres à toute vitesse, libre. Tes foulées s'agrandissaient à chaque fois, bondissant au dessus des cailloux sans aucune difficulté, c'était beau.

     Tu ne pris pas attention à l'odeur équine, jusqu'à ce que ton propriétaire te fasse passer au pas, afin de souffler. Tu fronças tes sourcils, l'ayant senti. Une effluve de cuir, de sueur et de cheval. Tu en conclus donc que c'est un des idiots du fort venu se balader, sûrement tentant de t'égaler. Tu soupires longuement, blasé, et finalement, cherche de tes yeux verts celui qui vient gêner ton exercice quotidien, le meilleur moment de ta journée.

     Tu le vois enfin, au loin, qui semble se diriger vers toi avec vitesse. Tu n'arrives pas à distinguer ta robe, lui qui trop loin, et dans l'ombre d'un nuage. Bien sûr, il ne mérite pas d'être éclairé, comme toi, par le soleil, c'est simplement une poussière parmi tant d'autres. Tu te redresses donc, gonfles ton poitrail, et porte ton regard au loin, tel un roi qui observe son territoire. Tu aperçois le cratère à quelques centaines de mètres, et te demande pourquoi il est si intéressant. Un trou parmi tant d'autres. Tu ricanes, te disant qu'il faudrait que celui qui se dirige vers toi, sans doute un gamin, ou bien un vieux papi, tombe dans le trou, et se fasse oublier. Puis tu t'y résignes, un roi a besoin d'un peuple pour régner.

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